Abstract
Le présent article expose le point de vue de trois fondateurs du groupe « Border Studies » sur les inflexions méthodologiques dans l'étude des frontières. Il s’attache à comprendre les écueils s’élèvant devant des recherches engagées depuis le point de vue du sud global dans la compréhension de phénomènes, tels l’immigration et le terrorisme, fortement influencés par les points de vue dominants dans le nord.
Partant des objets d’étude tels « la harga », « le printemps arabe », « la racialisation des populations migrantes depuis le sud de la méditerranée », l’article expose les chemins de savoir dominants dans les sciences sociales quand ces dernières observent des populations du sud invisibilisées. L’article s’inscrit dans une critique des sciences désignant les causes sans prise en compte de la pensée politique des gens, notamment quand ces derniers se situent dans une sphère de la domination coloniale ou dans les situations d’altérité marquées par les rapports de domination nord/sud. Il s’agit de retrouver une méthode renouvelée permettant de prendre en compte la pensée des gens subissant les discours hégémoniques à propos de leur monde quand ils font face à des dispositifs de pouvoir enracinés dans un pouvoir colonial – comme dans le cas des frontières. En adoptant telles positions, de nouvelles perspectives de la compréhension des phénomènes complexes s’ouvrent mais à une condition : la compréhension devrait se réaliser avec le point de vue des gens et non seulement celui des institutions les représentant. La recherche sur des questions aussi tragiques que celles des frontières devient alors une traduction de la pensée des populations concernées vers différentes sphères promotrices d’un regard émancipé du diktat de la hiérarchisation nord-sud. Enfin, les positionnements présentés ici indiquent des idéotypes non-exhaustifs des approches des border studies et d’une littérature renouvelant la théorie tant des Border que des postcolonial studies.