Résumé
Cet article repose sur des entretiens et des observations menés en France auprès de migrants marocains primo-arrivants. Il explore l'impact des politiques migratoires sur les convictions politiques et les identités collectives d’une population exposée à un système bureaucratique et politique restrictif de la liberté de circulation et d’installation. Au cœur du débat sur la « crise des banlieues » et la « question musulmane » mettant en lumière les défis rencontrés par les enfants de la deuxième et la troisième génération de l'immigration postcoloniale, le texte propose de réexaminer le phénomène de l'immigration à travers le prisme des nouvelles politiques de « l'immigration choisie » et de la nouvelle politique frontalière incarnée par le système européen Schengen. Malgré leur haut niveau de qualification, ces migrants sont confrontés à une politique d’accueil qui trouve ses racines dans un discours sur les « étrangers » et une gestion coloniale les distinguant des populations nationales. L'article met en lumière certaines de ces distinctions et décrit quelques fragments d’un contre-discours embryonnaire chez les nouveaux arrivants. Il est marqué d’une prise de conscience politique renouvelée à propos de la nature de la domination coloniale, une contestation des inégalités symboliques et, parfois, une réaction nationaliste et identitaire face à la désorganisation de la représentation collective des espaces sociaux de cette nouvelle immigration.