Abstract
Cette étude se penche sur l’armée ottomane de Tunis (le jund) à sa création en 1574, au lendemain de la conquête de la capitale hafside par les troupes de Sinan Pacha, délégué du grand vizir de l’époque, Mehmed Sokollu. Pour reconstituer la composition socio-ethnique et les structures du jund, l’étude analyse les informations disponibles sur ce sujet, puisées dans les sources locales et chrétiennes de la période, aussi insuffisantes et lacunaires fussent-elles, en s’éclairant des données fournies par les sources et la recherche relatives à l’institution militaire dans l’empire ottoman. L’étude aboutit à deux conclusions principales. Premièrement, elle confirme un postulat de départ adopté pour ce travail, à savoir que l’organisation du jund de Tunis se conformait à un modèle commun aux armées provinciales ottomanes, -sachant que l’application de ce modèle n’excluait pas des variations régionales dictées par des facteurs géographiques ou historiques, et qui, dans le cas des armées de Tunis et de ses deux voisines du Maghreb, Alger et Tripoli, se traduisirent en premier lieu par l’importance de leur volet naval/corsaire. Deuxièmement, l’étude met en exergue le seul détail inédit et spécifique à l’organisation du jund de Tunis, représenté par l’introduction d’une nouvelle catégorie d’officiers, les deys, dans sa hiérarchie. Elle s’intéresse à l’origine et aux motivations possibles de cette mesure, et suggère qu’un rôle crucial, dépassant les limites de la province de Tunis, avait été imparti à ces deys dans les politiques, voire (si l’on ose s’aventurer sur des chemins plus spéculatifs), dans les visées secrètes du tout-puissant Mehmed Sokollu.