Abstract
Dans les sociétés oasiennes des années 1970 au Nefzâwa, encore marquées par une forte hiérarchisation sociale, l’appauvrissement généralisé était indéniable et la pauvreté parfois flagrante. On ne pouvait pourtant pas se reconnaître et se dire pauvre lorsqu’on faisait partie d’un lignage qui avait été autrefois structuré, solidaire, et qui gardait son prestige. « Hommes libres », les ahrâr, se considérant blancs de peau, longtemps propriétaires exclusifs de l’eau et de la terre, se révélaient, malgré l’aggravation des difficultés de l’économie oasienne, riches au moins de leur appartenance lignagère et de l’honneur qui lui restait lié. Tout autre était la condition des shwashîn dits noirs qui jusque dans les années 1970 avaient été exclus de la propriété. Dispersés en familles d’origines diverses au service de familles ahrâr, les shwashîn n’avaient en commun que leur servitude. A leurs yeux, leur dénuement, plus profond du fait de leur impossible accès à l’eau et à la terre, était associé à une mise à l’écart de toute vie politique et sociale villageoise : et si le dénuement est aussi celui d’une existence sociale, alors il est absolu.