Résumé
Cet article tente de décrire et d’analyser une manière particulière de faire des films par un jeune cinéaste algérien : Lamine Ammar-Khodja. Les partis pris filmiques qui sont passés en revue dans ce texte s’inscrivent dans un renouveau du cinéma arabe étroitement lié à l’utilisation du numérique et de fait d’un dispositif léger qui fait de la caméra un prolongement de soi. Demande à ton ombre, le premier volet de ce qui est identifié comme une trilogie sur Alger, est le plus solitaire des trois films. Cette chronique d’un « retour au pays natal » réalisée sans équipe technique est celle qui nous rapproche le plus de la posture de la « caméra-stylo » : écrire par des images, construire un dispositif bricolé où le réalisateur recycle ses lectures et les citations de ces auteurs fétiches pour en faire les vecteurs d’une compréhension du présent de l’Algérie et du rapport que le cinéaste entretient avec son pays. Ce travail de collage et de bricolage est aussi au cœur du deuxième film, Chroniques équivoques et il s’applique davantage à la mémoire picturale qu’à la mémoire écrite. C’est par là que se manifeste cette tentation d’inscrire son film dans l’histoire de la représentation d’une ville aimée. De cette posture éminemment réflexive inhérente aux deux films, on s’achemine avec le dernier volet, Sans cinéma, vers le cinéma direct et vers l’effacement du cinéaste qui commente, qui puise dans ses lectures et dans sa mémoire picturale, effacement qui fait émerger la parole des autres et qui fait que le film devient le réceptacle d’une parole plurielle et dans une certaine mesure chaotique. L’effacement au service du cinéma direct correspond à un autre mode de représentation de la réalité dont les partis-pris sont beaucoup moins visibles que dans les deux premiers films. C’est ce cheminement propre à deux modes de représentation documentaire : la « caméra-stylo » et la « caméra-micro » qu’il s’agit de faire ressortir à travers cette analyse des trois longs métrages de Lamine Ammar-Khodja.